LE PRUNEAU D'AGEN
Rue de la Prune d'ente

C'est de Ste Livrade sur Lot, au coeur même du noyau de l'aire
de culture du prunier d'ente que, par une belle journée de printemps,
j'ai découvert le prunier porteur de la prune d'Agen ou prune d'ente.
En réalité, ce sont des milliers d'arbres à fleurs blanches,
disposés en bouquets de mariée géants sur un tapis vert et or
qui se sont offerts à mon émerveillement.
Aujourd'hui, en cet Août finissant,
Dame Nature a changé le tapis: il est devenu bleu avec des reflets mauves
et rehaussé de velours violet et pourpre.
Une histoire écrite à l'encre violette
Le prunier existe depuis la plus haute antiquité.
La tradition prétend qu'il a été introduit en France au moyen Age,
par les Croisés revenant de Syrie, avec le "damas" dans leurs bagages.
Le "damas" a évolué en prunier-datte, prunier robe de sergent,
prunier d'ente et, enfin, prunier d'ente du verbe "enter" ou greffer.
Les moines de Clairac seraient à l'origine de cette opération.
Il reste cependant démontré,que d'anciennes plantations de pruniers
sont issues de semis et non pas greffées.
Le pruneau d'Agen et les Anglais
Les barils et caisses en bois portant l'estampille "pruneau d'Agen"
étaient embarqués au pont d'Agen en direction de Bordeaux,
par voie fluviale, puis vers l'Angleterre et ailleurs.
Nos amis Anglais, se référant à l'expéditeur, passaient commande de "pruneaux d'Agen", appellation alors non contrôlée qui a perduré.
Région de production
Elle est concentrée dans le Sud-Ouest Aquitain,
principalement en Lot et Garonne (vallées du Lot et de la Garonne)
ainsi que dans certains secteurs proches de ce département:
Dordogne, Gironde, Gers, Lot, Tarn et Garonne
.Cf: ci-dessous carte éditée par
le Bureau Interprofessionnel du Pruneau de Villeneuve sur Lot.

Aire de culture du prunier d'ente
Outre les exigences climatiques particulières,
ensoleillement et humidité, ce sont les terres argilo-calcaires
qui sont les plus favorables à la culture du prunier d'ente.
Caractéristiques de culture
Au siècle dernier, dans les régions viticoles, le prunier était cultivé
soit dans les vignobles, soit dans les vergers, les arbres étaient plantés entre les vignes, à sept ou dix mètres les uns des autres.
La reproduction était effectuée par semis ou par drageons (surgeons);
dans les deux cas le sujet était greffé.
Assez récemment encore, les pruniers étaient plantés en "joualles",
c'est à dire en rangées très espacées, souvent en bordure de surfaces cultivées ou de prairies,mais cette méthode a été abandonnée.
Maintenant les pruneraies se présentent en vergers homogènes,
les arbres étant espacés de 6 à 8 mètres et disposés en carré,
rectangle ou en quinconce.
Les procédés actuels "d'accompagnement"permettant d'obtenir en 6 ans
des pruniers de 4 à 5 mètres de hauteur.
Chaque année il fallait tailler les branches terminales proportionnellement à leur force de végétation.
On avait soin de rabattre les rameaux sur un bourgeon placé en dehors,
afin que les pousses nouvelles ne gagnent pas l'intérieur ou cône
et on transformait en même temps tous les autres bourgeons
en branches à fruits
extrait de : "Le Pruneau Gourmand".
Durant l'hiver, le pruniculteur taille les arbres.
C'est un travail délicat qui demande du savoir-faire.
Il faut tailler les branches pour assurer la formation de l'arbre,
éliminer les pousses inutiles et permettre au soleil d'y pénétrer aisément
(source technique B.I.P.)
En résumé, il s'agit d'enlever avec soin les branches gourmandes.
La taille traditionnelle s'effectue à l'aide d'un sécateur.
Pour accélérer l'ouvrage on utilise des plates-formes mobiles (passerelles)
et des instruments à air comprimé (pneumatiques).
Il va sans dire qu'outre la taille, d'autres soins conservatoires
tels que la protection contre les maladies et les insectes nuisibles,
les fumures,, l'irrigation, sont nécessaires pour assurer,
le moment venu, l'excellente qualité du produit.
La cueillette et le séchage
Le beau fruit oblong à chair jaune et sucrée est cueilli
lorsqu'il a atteint sa pleine maturité.
On peut s'en rendre compte, naturellement, lorsque le fruit tombe spontanément ou par léger secouage et, techniquement,
par réfractométrie.
La cueillette est manuelle mais de nombreux pruniculteurs utilisent
le filet de ramassage ou le parapluie géant.
Les fruits sont rassemblés dans des paniers ou paloxs
et vidés dans des caisses.
La prune verte renferme environ 75% d'eau et 25% de pulpe.
Le séchage est une désydratation du fruit frais.
Des pruniculteurs contemporains on encore en mémoire la "paillade" ou séchage au soleil.
Est venu ensuite le temps des fours ordinaires (à pain),
des étuves et des évaporateurs.
Actuellement le séchage intervient dans des tunnels à séchage continu mais des récoltants sèchent encore à "l'ancienne", d'autres s'adressent à une coopérative.
Pour être opérationnelle, une unité de séchage
(tunnel à contre-courant, à courant parallèle, ou étuve),
doit comprendre un certain nombre de postes allant du lavage
et de la mise en claie des prunes au stockage des fruits secs, en passant,
bien entendu, par l'appareil de séchage.
S'agissant du tunnel à tapis les étapes sont réduites.
Calibrage, stockage, conditionnement
Après élimination des produits défectueux, les pruneaux sont triés.
Au triage à la main se substitue le calibrage mécanique
par utilisation de séries de grilles en tôle perforée;
les ouvertures de chaque grille sont d'une dimension régulière laissant passer certains fruits mais refusant ceux dont les dimensions ne permettent pas le passage au travers des ouvertures.
Le calibre correspond au nombre de fruits
que l'on peut compter dans 500grs.
Sous l'appellation "pruneau d'Agen" on dénombre les 4 catégories ci-après:
Les moyens, calibre 66/77 (au maximum 77 par 500grs)
Les gros, calibre 55/66 (au maximum 66 par 500grs)
Les très gros, calibre 44/55 (au maximum 55 par 500grs)
Les géants, calibre 33/44 (maximum 44 par 500grs)
Autres: pruneaux à cuire, calibre 77/88
et petits pruneaux à cuire, calibre 88/99.
Autrefois, la présentation en vue d'expédition
par le négociant faisait l'objet d'un soin très particulier.
Le dessus de la boite était garni à la main par des fleureuses,
le "fleurage" consistant à bien disposer la première rangée dans les caisses.
Aujourd'hui, "l'Or noir" est stocké en sacs,
en caisses de bois, en paloxs (de 400 à 600kgs).
Des règles commerciales rigoureuses régissent le conditionnement et la conservation des produits; pour satisfaire les besoins de la clientèle, les pruneaux sont réhydratés par trempage.
La gourmandise est parfois un défaut mais jamais les pruneaux !
Nous écrivons maintenant le feuillet gourmand de notre essai,
le plus facile à rédiger et à …digérer.
Le pruneau se mange et s'apprécie à l'état naturel, dénoyauté ou non mais la gamme de ses transformations est de plus en plus étendue; techniciens et confiseurs rivalisent d'originalité et de savoir-faire pour offrir aux amateurs des produits nouveaux, délicats, succulents, savoureux. C'est ainsi que sont fabriquées des spécialités pour le plaisir des gourmands et des gourmets.
Qui ne connaît pas les pruneaux au sirop ou à l'eau de vie, les crèmes, les jus et les concentrés, les pâtes de fruits, les pruneaux enrobés de chocolat etc…
Voici une recette empruntée à l'ouvrage
"Le pruneau gourmand":
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"Magret de canard aux pruneaux"
Faire tremper les pruneaux.
Le lendemain, dégraissez les magrets,
dénoyautez les pruneaux et remplacez les noyaux par des noisettes de foie gras.
Dans une casserole, mettez les pruneaux,
chauffez les et flambez les à l'armagnac.
Ajoutez la mignonnette de poivre et la gelée de groseille ainsi qu'un demi-verre de jus de trempage des pruneaux et le fond de veau.
Laissez sur le coin du feu quelques minutes.
Retirez les pruneaux, grillez les magrets (rose), tranchez les et dressez les sur des assiettes tièdes.
Faire réduire au dernier moment la sauce et
répartir celle-ci autour des aiguillettes de canard
et sur les pruneaux fourrés.
Vous pouvez accompagner ce plat de purée de carottes, de céleris ou de choux-fleurs. |
Pour terminer ce chapitre gourmand,
un petit mot sur les qualités diététiques du pruneau.
Sa valeur énergétique, qu'il détient de sa forte teneur en glucides,
le place aux meilleurs rangs des reconstituants musculaires
sollicités par les sportifs.
L'action de régulation du transit intestinal du pruneau
cuit est appréciée de longue date; c'est un laxatif doux,
efficace et néanmoins agréable.
Grâce aux initiatives du B.I.P., la consommation intérieure a beaucoup progressé; elle atteint près de 30 000 tonnes par saison de vente.
Au sein de l'hexagone, les bretons sont les plus intéressants acquéreurs de pruneaux cuits, ces derniers entrant dans la fabrication de leur célèbre "far".
Le Français n'est pas le premier consommateur individuel de pruneaux;
il est dépassé par les Finlandais et les Danois.
Les habitants du Royaume-Uni consomment "per capita" trois fois moins de pruneaux que nous. Ceux des Etats Unis et du Canada sont d'honorables mangeurs de pruneaux.
Les USA (et surtout la Californie) sont les plus gros producteurs du monde devant la Yougoslavie et la France.
Le "Pruneau gourmand" ne manque pas d'observer que les trois pays
(Etats Unis, France et Chili) qui ont une réputation de qualité,
utilisent des souches végétales d'origine Lot et Garonnaise.
Nous arrivons au terme de notre Route du pruneau qui existe réellement (circuit touristique); il nous faut donc quitter cette terre généreuse aux coteaux ensoleillés qui se reflète,
comme dans un miroir, dans les eaux changeantes du Lot et de la Garonne.
Ici la prune est indissociable du rugby,
"l'oblongue et l'ovale" c'est le "way of life" local.
La prune fait partie intégrante de l'économie, de la vie sociale.
Le pruneau, fruit mythique, est plus qu'une gourmandise.
On dit qu'il a une âme… Certains l'ont rencontrée!
Adresse utile: Agenor, B.P.138, 47004 Agen Cedex
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